La Renaissance à l’honneur au manoir Jacques Cartier à Saint-Malo
Une conférence avec un invité d’honneur au musée :
Mickaël Bouffard, historien de l’art et danseur baroque
Une très belle conférence nous a été proposée mercredi 17 mai 2017 au manoir de Limoëlou dans la gentilhommière renaissance du navigateur malouin découvreur du Canada Jacques Cartier. Les grands navigateurs étaient aux XVe et XVIe siècles à la recherche d’un passage vers la Chine afin decontourner la barrière musulmane, notamment après la prise de Constantinople, la conquête de la Syrie et de l’Égypte par les Turcs. La conquête arabe avait donné lieu, en Orient, à un immense brassage de populations sur deux continents et rendait désormais difficile pour les Occidentaux l’accès à l’Orient. Les voies commerciales terrestres et maritimes ouvertes par Marco Polo, étaient désormais rompues.
Michaël Bouffard, historien de l’art et danseur baroque, nous proposait de découvrir l’univers de la danse et son rôle social au cours des XVe et XVI e siècles. Musique, danse, art du costume, art pictural, reflets de cette société qui se civilise ont été au coeur de la discussion.
Mickaël Bouffard chercheur,
historien de la renaissance et de l’art baroque
Le canadien Mickaël Bouffard est Docteur en histoire de l’art de l’Université de Montréal. Spécialisé dans l’art français des XVIIe et XVIIIe siècles, il s’intéresse plus particulièrement à l’iconographie des spectacles. Il a enseigné, au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, l’art français et néerlandais à l’Époque moderne (La Renaissance hors d’Italie, La peinture hollandaise et flamande au XVIIe siècle, L’Âge des Académies). Chercheur invité au Centre André Chastel (CNRS-Université Sorbonne), il travaille avec Jérôme de La Gorce sur les dessins de costumes de ballet français sous le règne de Louis XIV. Son approche interdisciplinaire l’oriente vers l’étude des objets et méthodes de l’histoire culturelle. L’histoire du corps et des pratiques scéniques (danse, gestuelle, costumes) au temps de la renaissance ont retenu toute l’attention du public.
Michaël Bouffard est l’auteur d’études et essais dans des collectifs et revues savantes, parmi lesquelles Artibus et Historiae et The Lancet. Il a également publié aux éditions Honoré Champion, Hermann et L’Harmattan, des livres d’art disponibles à la médiathèque de Saint-Malo. Sous la présidence d’honneur du professeur Georges Vigarello (EHESS), il a organisé deux colloques internationaux : Croisement des savoirs et perspectives interdisciplinaires en 2007 et Le corps dans l’histoire et les histoires du corps en 2009.
Danse, musique, art du costume :
un signe de noblesse à l’époque de Jacques Cartier1
Si à la fin du Moyen-âge la danse existe encore, elle est toutefois peu recommandée par l’Église, à l’exception de quelques danses religieuses valorisant les saints et les personnages divins du christianisme. La danse profane est principalement proposée sur le parvis des églises et cathédrales, lors du carnaval et dans les fêtes féodales. L’église lui reproche son caractère lascif voire provocant ou son enracinement dans les fêtes païennes. Le différents fiefs sont alors dispersés et chaque seigneurie est relativement isolée. Au tournant de la renaissance, un nouveau monde et une nouvelle organisation sociale apparaissent. Le phénomène commence en Italie au XVe siècle. L’Italie et l’antiquité romaine sont alors prises pour modèles à la cour de France et dans les provinces. Les thématiques et les danses sacrées de l’antiquité sont mises au goût du jour. La mise en relief de l’antiquité va contribuer tout au long du XVe siècle et principalement au cours du XVIe siècle en France à de nouvelles pratiques (nouvelles danses comme le Branle, la Basse Danse, puis la Courante, l’Allemande, la Gaillarde, la Volte… ) et à la création de costumes prestigieux destinés aux cours princières où se regroupent désormais la noblesse. La danse va contribuer à transformer cette noblesse frustre et soldatesque en une société civilisée capable de vivre ensemble dans des cours sous contrôle où l’étiquette régit les moeurs. Les premiers maîtres de danse apparaissent dans les cours, où ils enseignent la danse avec le ballet, mais aussi les bonnes manières. Des traités comme l’Orchésographie de Thoinot Arbeau (anagramme de son vrai nom, Jehan Tabourot, un chanoine) les décrit en 1589. Michaël Bouffard décrypte pour nous de nombreuses pages.
Nous avons eu le plaisir de découvrir des dessins de figures de ballet, mais aussi des gravures et peintures illustrant des spectacles en France au XVe siècle et principalement au XVIe siècle. Un des tableaux se trouve d’ailleurs au musée des Beaux-Arts de Rennes. Michaël Bouffard a particulièrement mis en avant les lieux de danse et de représentation avec leurs différentes configurations mais aussi l’attitude des danseurs avec le geste et la posture ainsi que les costumes. Certaines gravures d’une facture remarquable nous sont proposées. Elles pourraient être attribuées au Primatice (filigrane des vélins utilisés par l’artiste). Il nous annonce une très belle exposition sur l’art du costume, au musée du Louvre, en 2019. Le Primatice sera bien évidemment à l’honneur. Pour mémoire, Le Primatice fait partie de la première école de Fontainebleau. Elle s’est formée autour de trois décorateurs italiens, Le Rosso, Le Primatice et Niccolò dell’Abate arrivés à Fontainebleau respectivement en 1530, 1532 et 1552. Francesco Primaticcio, dit Le Primatice (Bologne 1504 – Paris 1570), est peintre, sculpteur, architecte, décorateur et créateur de costumes. Il se distingue par ses dessins d’une qualité exceptionnelle.
La démonstration s’est accompagnée de pas de danse renaissance, Michaël Bouffard est aussi danseur baroque. Cette belle présentation s’est finalisée par plusieurs vidéos de spectacles de compagnies de références canadiennes ou françaises dans l’art de la danse à la renaissance. Le public n’a pas été sans faire remarquer la très grande similitude des danses renaissance et des danses bretonnes. Les danses renaissance se sont en effet prolongées dans l’art populaire avec des différenciations selon les provinces. Michaël Bouffard note également la très grande perméabilité entre les deux mondes, celui de la cour et celui de l’art rural. La Bretagne fait encore aujourd’hui la part belle aux danses traditionnelles avec une vie associative active autour des cercles celtiques qui perpétuent la tradition et qui trouve son point d’orgue lors du festival interceltique de Lorient.
Cette très belle initiative du musée Jacques Cartier de la Ville de Saint-Malo va se prolonger par un bal renaissance prévu le 16 juin 2017 à 20 heures au manoir Jacques Cartier de Limoëlou à Saint-Malo.
Entrée gratuite sur réservation, le bal peut être annulé en cas de pluie.
Musée Jacques Cartier : tél 02 99 40 97 73
1A la recherche d’un passage vers la Chine
Jacques Cartier, le navigateur découvreur du canada au XVIe siècle
La renaissance est marquée par le règne de François 1er (1515-1547). C’est aussi pour le pays malouin, la découverte du Canada par Jacques Cartier et ses compagnons. Jacques Cartier est probablement né à Saint-Malo avant le 31 décembre 1494 (date admise) mais plus probablement entre le 7 juin et le 3 décembre 1491 (selon F. Joüon des Longrais) et décédé le 1er septembre 1557, à Saint-Malo ou à Limoëlou, en son manoir de Paramé/Saint-Malo.
Selon la bibliographie sélective, éditée par la Bibliothèque Nationale de France : C’est en 1534 que Jacques Cartier fut chargé par le roi de France François d’entreprendre un « voyage en Terres Neusves pour descouvrir certaines yles et pays où l’on dit qu’il se doit trouver grant quantité d’or et autres riches choses ».
Cartier ne partait pas au hasard : les rivages de Terre Neuve étaient déjà bien connus des pêcheurs malouins (la grande pêche). En 1524, le navigateur d’origine florentine Giovanni da Verrazzano mandaté par le roi de France, avait déjà longé les côtes nord américaines de la Floride à Terre Neuve à la recherche d’un passage vers la Chine. L’expédition de 1534 permit à Cartier d’explorer le golfe du Saint-Laurent et de nouer des contacts avec les Iroquois. Elle fut suivie d’une deuxième expédition en 1535-1536 qui vit le premier hivernage d’Européens sur le continent nord-américain.. En 1541 Cartier s’embarqua pour son troisième voyage qui avait pour but de fonder une colonie permanente mais l’entreprise échoua en raison de l’hostilité des autochtones et de la mésentente entre Cartier et La Rocque de Roberval que le roi avait nommé lieutenant général au Canada. Après l’échec de cette tentative il fallut attendre 1608 pour que la France prenne pied définitivement cette fois-ci au Canada, avec la fondation de Québec par Champlain. Jacques Cartier ne partait pas seul, les compagnons du deuxième voyage connus par un rôle d’équipage (archives de Saint-Malo), ont joué également un rôle capital dans cette première mondialisation (échanges commerciaux…).
Notes
Premier voyage 1534 ; Deuxième voyage 1535 ; Troisième voyage 1541 à 1543 : voyage de 17 mois de 23 mai 1541 date de son départ jusqu’au 21 octobre 1542. Quatrième voyage, voyage plus obscur : voyage de 8 mois de avril ou mai 1543 avec un retour en octobre/novembre. Le quatrième voyage de Jacques Cartier reste toutefois très hypothétique. Les auteurs mentionnent 3 voyages comme dans « le monde de Jacques Cartier » de Fernand Braudel. Le Docteur Foucqueron dans « Saint-Malo 2000 ans d’Histoire » indique « En 1543, il est chargé de la préparation de l’expédition confiée à Paul d’Auxilhon pour rapatrier Roberval. Il ne participe pas activement à cette opération de secours ».
Les bateaux (selon FJL) : pour le premier voyage deux navires de 60 tonneaux chacun ; pour le deuxième voyage : La Grande Hermine : de 100 à « six vingt » tonneaux. ; La Petite Hermine : 60 tonneaux ; L’Émerillon : 40 tonneaux. Les 5 navires de 1541 jaugeaient ensemble 400 tonneaux
Fréderic Joüon des Longrais de l’École des Chartes, a travaillé sur Jacques Cartier.
La liste des compagnons (rôle d’équipage) est encore à Saint-Malo, serie BB.4 folio 17-20.
Contributeur texte : Évelyne Ollivier-Lorphelin
Photo à la une : Affiche de l’événement du Musée Jacques Cartier de Saint-Malo
Intégration et SEO : Évelyne Ollivier-Lorphelin
Rédacteur en chef pour le blog de FCI : Évelyne Ollivier-Lorphelin, vice-présidente de France Chine International
Directeur de la publication : Yannick Morin, Président de France Chine International
Sources
Centre André Chastel
Publications de Michaël Bouffard
« Le monde de Jacques Cartier » par Fernand Braudel ; Libre-Expression, Montréal et Berger-Levrault, Paris, 1984, 322 pages
Gilles Foucqueron, Saint-Malo, 2000 ans d’histoire, Editions Gilles Foucqueron
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