Les enjeux de la transition énergétique en Chine
Les enjeux de la transition énergétique en Chine
En passe de devenir la première économie de la planète, la Chine est depuis 2011 le premier consommateur d’énergie dans le monde, avec, en 2016, 23% de l’énergie consommée contre 17% pour les États-Unis. Les besoins énergétiques de ce pays de 1 400 000 d’habitants ont plus que décuplé depuis 1978, et reflètent les nombreux enjeux qui sous-tendent la politique énergétique chinoise. Le 13ème Plan Quinquennal, qui orchestre la politique du gouvernement jusqu’en 2020, place ainsi l’énergie au centre des préoccupations pour la pérennité de la croissance nationale.
article par Marie Bourbon, Sciences-Po Rennes
Le 13ème plan quinquennal a été officialisé en novembre 2015, et oriente la politique nationale autour de plusieurs objectifs économiques et sociétaux. Ce 13ème plan est particulièrement ambitieux, en ce qu’il doit permettre d’assurer la pérennité de la croissance chinoise au moment où celle-ci commence à s’essouffler – à 6%, en baisse par rapport aux 10% de croissance de la décennie 2000. Les objectifs du plan sont notamment une ouverture de la Chine aux investissements étrangers, un développement axé sur le respect de la loi, l’abandon de la politique de l’enfant unique et une meilleure protection de l’environnement.
Car au-delà des quantités d’énergie nécessaires pour alimenter la croissance du géant chinois, c’est bien la question des sources de cette énergie qui interrogent le modèle de croissance du pays. Cette croissance a longtemps reposé principalement sur le charbon, avec les conséquences environnementales désastreuses que l’on connait aujourd’hui. Les récentes évolutions politiques et économiques dans le pays illustrent la prise de conscience citoyenne et gouvernementale à l’œuvre en la matière, et la Chine s’est ainsi lancée en 2014 dans un ambitieux programme de transition énergétique.
La transition énergétique, en tant que modification structurelle profonde des modes de production et de consommation de l’énergie, est aujourd’hui un enjeu géopolitique et sociétal majeur de notre siècle. Le réchauffement climatique et la dégradation des conditions de vie dans des territoires exposés à la montée des eaux et à la pollution de l’air illustrent l’urgence d’une prise de conscience de la part des principales économies mondiales. La Chine, qui représente 17,3% de l’économie mondiale (en Parité de Pouvoir d’Achat) en 2016, est également l’une des économies les plus polluantes de la planète : les enjeux de la transition énergétique pour ce pays sont centraux.
Il convient tout d’abord d’effectuer un état des lieux du bouquet énergétique chinois. La Chine est le premier producteur d’électricité depuis 2011, en grande partie grâce à l’exploitation des énergies fossiles – 70% de la production d’électricité chinoise – notamment par l’activité des nombreuses centrales thermiques à charbon (95% des énergies fossiles consommées) que compte le territoire. Dans le secteur nucléaire, la Chine compte parmi les poids lourds du domaine : en 2016, si 40% des réacteurs en construction dans le monde sont situés en Chine, le nucléaire ne produit néanmoins que 4% de l’énergie nationale. La première source d’électricité décarbonée reste l’hydroélectricité, avec 18% de la production électrique. C’est toutefois dans le domaine des énergies solaires et éoliennes que le pays a, ces dernières années, le plus concentré ses efforts. La Chine regroupe en effet à elle seule 26% des installations solaires de la planète, et produit 30% de l’énergie éolienne mondiale. Au sein du bouquet énergétique, ces deux sources ne représentent pourtant que 7% de la consommation, contre 9,4% en France. L’ampleur de cette production nécessite néanmoins le recours aux importations pour approvisionner le pays. La Chine importe ainsi en 2017, selon un papier de recherche du Parlement Européen, entre 70 et 85% de ses approvisionnements en énergie, principalement du pétrole, du charbon et du gaz. Cette part doit encore augmenter dans les années à venir, de pair avec la croissance de la consommation énergétique nationale.
La forte dépendance énergétique du pays constitue d’ailleurs pour le gouvernement un argument en faveur d’une augmentation de la production d’énergies vertes en Chine. Le pays importe à l’heure actuelle une part importante de son énergie, notamment le pétrole, de Russie et du Moyen-Orient. Ses relations avec son voisin russe, qui fournit la Chine en pétrole, en charbon et en gaz, restent ponctuées de tensions et une crise diplomatique avec la Russie pourrait avoir de graves conséquences sur la sécurité énergétique chinoise. Au Moyen-Orient, l’instabilité politique et les conflits stratégiques dans la région représentent également une menace pour l’acheminement de ces ressources essentielles à l’économie chinoise, alors même que le Parti Communiste Chinois assoit sa légitimité sur une croissance économique dynamique.
Sur un plan géopolitique, la Chine dispose également d’une carte à jouer, après le retrait des États-Unis de l’accord de Paris en juin 2017. Par la taille de son économie, les choix énergétiques de la Chine ont une influence sur la lutte contre le réchauffement climatique à l’échelle globale. Passée en quelques années premier producteur d’énergies vertes, la Chine affiche publiquement son engagement en faveur d’une transition énergétique concertée, et affirme sa volonté de mener cette transition. Lors d’une visite à Berlin en juin 2017, le premier ministre chinois avait ainsi affirmé que son pays allait, suite au retrait orchestré par Donald Trump, « continuer à mettre en œuvre les promesses faites lors de l’Accord de Paris », accord qui engageait la Chine à réduire ses émissions à partir de 2030 d’une part, et à financer la transition énergétique dans les pays en développement, pour un montant avoisinant 3 milliards d’euros d’autre part. Ces engagements énergétiques permettent donc également au pays d’étendre son influence politique.
Sur le plan intérieur, la nécessité d’entamer une transition énergétique devient également primordiale. Si la consommation énergétique par habitant reste inférieure à celles des États-Unis, du Canada ou même de la Norvège, la pression exercée sur l’environnement par cette importante population chinoise ne cesse de croitre. Les pics de pollution qu’ont connu les villes du Nord de la Chine en 2015, soixante-dix fois supérieurs au plafond recommandé par l’OMS, ont poussé les autorités à se saisir de cette problématique, et à réagir face aux inquiétudes des citoyens. Des usines à charbon ont ainsi été fermées aux abords des grandes villes – cinq entre 2013 et 2017 à Pékin, tandis que le 13ème plan quinquennal prévoit que l’intensité énergétique du pays baisse de 15% et l’intensité carbone de 18%.
La France s’investit d’ailleurs dans cette évolution du bouquet énergétique chinois. Emmanuel Macron, lors de son voyage en Chine en janvier 2018, a fait de la question énergétique un point central de sa visite. Il a ainsi annoncé que les premiers EPR chinois de Taishan allaient être mis en service en 2018. Une usine de retraitement des déchets nucléaires va de plus être mise en chantier, sous la direction d’Orano (anciennement Areva). Lors de ce voyage officiel, EDF a également pu renforcer sa coopération avec les acteurs locaux de l’énergie, par la signature de divers partenariats, comme un contrat pour la construction d’une centrale de cogénération biomasse.
Parallèlement, la Chine n’a depuis 2012 pas cessé d’augmenter ses investissements en matière d’énergie verte, devenant ainsi le pays concentrant le plus d’investissements dans les énergies renouvelables : d’ici 2020, 344 milliards d’euros vont être débloqués pour développer les énergies propres. Le 13ème plan quinquennal (2016 – 2020) prévoit ainsi une augmentation à 15% de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique pour 2020, pour atteindre 30% en 2030. L’objectif de croissance pour le secteur énergétique solaire sur 2016-2020 a d’ailleurs été atteint en un an. Dans le même temps, le pays est également à la pointe de l’innovation en matière de production d’énergie verte. A titre d’exemple, l’inauguration en janvier 2018 d’une section d’autoroute « solaire », pavée de panneaux photovoltaïques sur deux kilomètres, approvisionnera environ 800 logements.
Il convient néanmoins de doublement nuancer ce propos : il faut d’une part souligner que le concept d’ « énergies vertes » n’a pas la même signification en Chine qu’en Europe. Ainsi, les énergies nucléaires restent en Chine considérées comme vertes, car permettant de diminuer le bilan carbone du pays et ainsi respecter les engagements pris lors de la COP21 en 2015. Le 13ème plan quinquennal favorisait de fait largement cette production : la capacité nucléaire chinoise devait être doublée entre 2016 et 2020. Dans les faits, les investissements dans le nucléaire sont en baisse depuis 2012, et les objectifs du 13ème plan pour 2020 ne seront pas atteints. D’autre part, si la Chine a, sur la scène internationale, affiché son engagement en faveur d’une transition énergétique inclusive, elle ne réduit pas pour autant son exploitation d’énergies fossiles, et se limite à l’heure actuelle à freiner les projets de construction de nouvelles centrales thermiques. Selon une statistique du site Energie-Developpement, un Renminbi investi dans la production d’électricité chinoise sur 4 va encore aux énergies fossiles. Sur le plan extérieur, le pharaonique projet des Nouvelles Routes de la Soie, mis en place par Xi Jinping en 2013, contient un large volet sur l’énergie, et doit permettre à la Chine de sécuriser son approvisionnement en énergie, en construisant des pipelines et autres infrastructures en Asie Centrale et en Afrique… dont des centrales thermiques.
En définitive, la part des énergies fossiles dans le bouquet énergétique chinois a commencé à décliner. Face aux pressions internes et internationales, le pays entame un réel effort pour alléger son bilan carbone et dynamiser la production d’énergies vertes. Cependant, de par la taille de sa population et de l’importance de ses activités industrielles, les besoins énergétiques du pays ne cessent d’augmenter, et les sources énergétiques renouvelables actuelles ne permettent pas au géant chinois de répondre à cette demande énergétique en croissance.
Légende de l’image : ferme d’éoliennes dans le Xinjiang – source : https://www.flickr.com/people/25921029@N05
Sources
« Le mix energetique chinois en 2017 » – Energie-developpement.com
« La Chine fait la part belle au nucléaire » par Arnaud Daguin – Contrepoints – 16/12/2016
[Vidéo] « La Chine ouvre sa première autoroute solaire » – France Télévisions – 08/01/2018
« Pics de pollution en série en Chine » – Le Monde – 09/11/2015
« Pour la Chine, l’accord de Paris à la COP21 est un pas historique » par Dorian Malovic – La Croix – 14/12/2015
« La Chine joue-t-elle vraiment le jeu de la transition énergétique ? » – L’Energeek – 7/07/2017
« Le mix électrique chinois en 2017 : grand bond en avant ou petits pas ? » sur Chine Magazine – 31/01/2018
« La Chine lance un ambitieux plan quinquennal de soutien aux énergies propres » sur RFI – 06/01/2017
« Chiffres clés des énergies renouvelables édition 2016 » – Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer – février 2017
« L’avenir du marché de l’énergie en Chine » – Institut des Hautes Études pour la science et la Technologie – aout 2016
« Le PCC approuve les propositions pour le 13ème plan quinquennal » – Xinhua.net – 29/10/2015
« L’énergie au cœur de la visite de Macron en Chine » – Le monde de l’énergie – 16/01/2018
« La Chine, l’autre pays du nucléaire pour Macron » par Arnaud Gonzague – 10/01/18
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