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La Révolution géopolitique des Nouvelles Routes de la Soie

Les enjeux géopolitiques des Nouvelles Routes de la Soie
diversité et importance pour la Chine

Save the date :  Avril 2018, Rennes, le forum Open Bretagne Chine sur « Les Nouvelles Routes de la Soie »
« la France, le Grand Ouest, la Bretagne, on or off the road ? »


Il a pour premier objectif d’informer : ce projet pharaonique chinois des Nouvelles Routes de la Soie est connu au plan ­international sous le nom de « One Belt, One Road » (OBOR), ou en Chine sous l’appellation 一带一路 
Yídài-Yílù. Le second et le plus important a pour ambition de mieux connaître pour analyser, comprendre ce nouvel ordre mondial que la Chine construit sous nos yeux jour après jour, pour prendre à notre tour les bonnes décisions et d’en appréhender les opportunités à condition de s’en saisir collectivement et d’en ­aborder toutes les dimensions.Ce forum est porté par un partenariat entre Sciences Po Rennes et l’association France Chine International dans le cadre de l’Open Bretagne Chine 2018. Au cours des prochains mois, des articles de fond et des articles « Repères » issus de notre veille, vous seront proposés à la fois dans le blog de France Chine International et dans celui de l’Open Bretagne Chine.

#2 article par Benjamin Radeau, Sciences-Po Rennes

Focus sur les enjeux géopolitiques des Nouvelles Routes de la Soie,
aussi variés que le nombre de pays impliqués dans ce projet pharaonique, et leur importance pour la Chine

Les Nouvelles Routes de la Soie « n’est pas un outil géopolitique ni un plan d’aide, mais une plateforme de coopération pragmatique et une initiative pour un développement interconnecté » qui va ouvrir « une nouvelle voie vers une mondialisation économique inclusive« , a déclaré le vice-président du Conseil d’administration du Forum de Boao pour l’Asie, Zeng Peiyan . » Elles consistent à créer une synergie, à favoriser la restructuration économique dans différents pays et à trouver des moyens pour réaliser une prospérité commune. Elles n’entreront jamais dans la vieille mentalité des jeux géopolitiques et ne viseront jamais à exporter un système social ou un mode de développement « , a continué M. Zeng. Cette citation illustre à elle seule la philosophie autour de laquelle les autorités chinoises communiquent à propos de leur projet phare, dont le volet diplomatique, par sa nature même, est aussi important que le volet économique.

Mais pour la grande majorité des experts sur la question, ces Nouvelles Routes de la Soie sont bel et bien un outil géopolitique comme un autre, qui doit permettre au pays d’affirmer sa puissance à l’international. La séduction d’anciens et de nouveaux partenaires, plus loin que l’espace asiatique, est une composante essentielle du projet. Tout comme la volonté d’utiliser ses larges ressources économiques comme soft power, notamment dans des pays jugés trop risqués par les Occidentaux, comme en Asie centrale.

Ces pays y voient une occasion de combler leur cruel manque d’infrastructures. Pour Pékin, l’ambition est d’acquérir le leadership sur cette zone gigantesque qu’est le continent eurasiatique, au détriment des États-Unis. Cela justifie que le projet n’est pas seulement économique mais aussi politique avec la volonté d’une plus grande coopération et financier grâce à une plus grande intégration monétaire. Des échanges plus soutenus dans le domaine culturel et sécuritaire sont également envisagés.

Les Nouvelles Routes de la Soie
Un nouveau projet pour de nouvelles stratégies

Les enjeux géopolitiques sont immenses pour Pékin, qui se résume en le rééquilibrage de ses relations, autant économiques que diplomatiques. Au-delà de favoriser les investissements à l’étranger, c’est aussi la volonté d’approfondissement des relations avec l’Ouest, donc l’Asie centrale, qui est exprimée. Cela répond, en parallèle de trouver un projet mobilisateur pour la population, à 2 autres impératifs. D’abord sécuriser l’approvisionnement en énergie. Ainsi des relations plus développées avec le Kazakhstan garantit à Pékin une diversification de son énergie (pétrole, gaz et uranium) et l’ouverture d’une nouvelle route de transport, permettant d’éviter autant que cela soit possible le détroit de Malacca.

Puis se trouver des alliés diplomatiques dans cette région, ce dont la Chine manque cruellement par rapport aux États-Unis, pour contrebalancer une hostilité perçue venant principalement du Japon et de l’Oncle Sam. Aller vers l’Ouest devient une nécessité stratégique. La mise en place de corridors transcontinentaux et de zones de libre-échange va dans ce sens. L’Organisation de Coopération de Shanghaï regroupant Chine, Russie et toutes les anciennes républiques soviétiques peut être une autre bonne base de départ.

Ces alliés sûrs sont essentiels. En reprenant l’exemple précédent du détroit de Malacca, cela est facilement explicable. En soutenant le développement de ports au Myanmar, La Chine s’accorde un accès direct à l’océan Indien et donc court-circuite le détroit, là où transite 80% des importations de pétrole venant du Moyen-Orient. Les approvisionnements venant d’Europe et de cette région ne seront ainsi plus sous la menace d’un blocus de Singapour, nation qui contrôle le détroit et allié américain, en cas de conflit armé.

Les Nouvelles Routes de la Soie
Un nouveau Plan Marshall ?

Cette nouvelle vision révèle que la Chine se pense le centre d’une nouvelle mondialisation. La comparaison fréquente entre les Nouvelles Routes de la Soie et le Plan Marshall, programme d’investissement américain pour reconstruire l’Europe au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, est ainsi fréquente parmi les analystes. Mais cela est assez exagéré, tout d’abord parce que la domination américaine était beaucoup plus prononcée à l’époque que celle de la Chine aujourd’hui.

Les moyens de mise en œuvre sont aussi beaucoup plus complexes, avec des banques particulières qui doivent à terme permettre de faire fi du système monétaire à l’oeuvre depuis la signature des accords de Bretton Woods en 1944. La création de la Banque Asiatique d’Investissement (BAI), concurrente directe de la Banque mondiale, favorise ainsi les échanges en yuan avec les 21 autres pays du dispositif, ce qui traduit une volonté d’internationalisation de la monnaie chinoise. Le projet s’adresse enfin à des pays bien plus nombreux et diversifiés en terme de développement, sans aucune condition politique ou idéologique pour obtenir l’argent, puisque les autorités chinoises continuent d’inviter n’importe quel pays voulant participer à se joindre au projet.

Pour répondre aux inquiétudes sur un potentiel transfert de leadership des États-Unis vers la Chine, Pékin promet d’appliquer les « 3 non » : pas d’ingérence intérieure, pas de zone d’influence privilégiée, pas de lutte en vue d’une hégémonie. Le développement des routes maritimes illustre cette volonté d’apaisement, notamment envers les pays qui ont connu des tensions avec la Chine concernant les querelles territoriales en Mer de Chine Orientale. Mais chez les principaux concernés, la méfiance est toujours présente, l’aspect géopolitique du projet passant toujours au premier plan pour les potentiels partenaires. C’est pour cela que ces route maritimes seront développées dans un second temps.

Les Nouvelles Routes de la Soie
Une Asie entre hostilité et coopération

Car force est de constater que le projet est toujours considéré par beaucoup comme la volonté par Pékin de créer un nouvel ordre mondial. Et ce sont évidemment les bénéficiaires de l’actuel qui hésitent à s’impliquer, voire même se montrent hostiles au projet. Les États-Unis ne sont pas impliqués pour le moment, tout comme la Corée du Sud, allié historique de Washington. Le Japon et l’Inde pensent à un contre-projet appelé la « route des épices ». Pour l’Inde, cela se justifie par sa domination toute relative sur les routes maritimes dans lesquelles la Chine veut maintenant intervenir avec ce projet. Mais les relations entre son voisin chinois et le Pakistan restent le plus gros problème, sachant que la Chine accorde à la République Islamique encore plus d’aide qu’avant depuis le lancement du projet. Mais l’Inde participe quand même à la BAI et continue de coopérer avec Pékin sur d’autres projets économiques.

Le Japon reste lui dans un rôle d’observateur pour l’instant, même si une concurrence se développe entre la BAI et la banque asiatique de développement, dominée par Tokyo. Le pays du Soleil Levant a aussi parfaitement conscience que la Chine cherche à étendre son influence, ce qui provoque des tensions, notamment autour des ressources pétrolières et halieutiques en Mer de Chine dans la zone liées aux îles Senkaku (Diaoyu en chinois). Mais pour ce qui est de l’Eurasie, il s’agit d’une zone où le Japon n’a historiquement pas une grande influence. Il pourrait donc rejoindre le projet malgré tout, avec l’accord des États-Unis.

Le partenariat entre Pékin et Moscou autour du projet reste lui ambigu. Pour Pékin, la concurrence russe en Asie centrale reste problématique, alors que la Russie reste la puissance dominante dans la région. Mais le régime de Poutine, face à de grosses difficultés économiques ainsi que diplomatiques avec l’Occident, choisit pour l’instant la coopération avec son rival régional. Les relations sont bonnes entre les deux géants. La Chine est ainsi le premier investisseur étranger en Russie, cette dernière est le premier fournisseur de gaz et de pétrole pour la Chine.

Les Nouvelles Routes de la Soie
Europe-Afrique, deux visions diamétralement différentes

Les Européens se montrent eux également très hésitants face à l’initiative chinoise. Les représentants de l’Union Européenne n’ont pas signé la déclaration finale rédigée lors du sommet de mai 2017 consacré au projet. Les Européens sont venus unis, à la plus grande surprise des Chinois, pour promouvoir une approche purement économique du projet, ce qui va à l’encontre de la philosophie que les Chinois ont de leur propre initiative.

De plus, la Chine n’appréhende pas forcément les relations avec les pays européens en tant que membres de l’UE. Des différences sont faites par exemple entre pays du Sud et de l’Est de l’Europe, comme le montre le projet 16+1 initié par Pékin en 2012, avec 11 pays d’Europe de l’Est et 5 des Balkans. Bruxelles n’apprécie pas forcément cette initiative, vue comme une tentative de division de l’UE qui pourrait créer des tensions parmi les membres, ainsi que le rapprochement entre la Chine et des pays traditionnellement dans la sphère d’influence européenne comme la Serbie.

Mais un continent se montre pour l’instant séduit par les propositions du projet chinois. En effet, l’Afrique voit, à travers ou même en dehors des Nouvelles Routes de la Soie, la mise en place d’une véritable zone d’influence autour du canal du Mozambique, alternative au canal de Suez. Le projet implique également une lutte active contre la piraterie, fléau de cette région, comme le révèle l’ouverture d’une base militaire chinoise à Djibouti.

Le but est bien sûr de protéger le commerce, lui-même récemment facilité par une suppression presque intégrale des barrières douanières en Chine pour les produits africains. Mais cela pourrait à terme créer une concurrence dans l’océan Indien avec les États-Unis. Mais les pays concernés ne semblent pas s’en émouvoir. En nouant de solides relations avec eux, notamment l’Égypte du général Al-Sissi, l’Afrique est ainsi devenue un pilier essentiel de la diplomatie chinoise que les Nouvelles Routes de la Soie ne fera que solidifier.

Les Nouvelles Routes de la Soie
D’autres obstacles à surmonter

Mais une approbation des gouvernements n’est pas forcément suffisante. Par exemple, les obstacles aux routes terrestres en Asie centrale sont d’une autre nature. Au Kazakhstan, l’héritier programmé du président Nazarbaïev, le premier ministre Karim Massimov, appartient à l’ethnie ouïghour, et serait donc peu enclin à soutenir la politique de fermeté de Pékin vis-à-vis de cette minorité religieuse sur son propre territoire. Le Tadjikistan serait au bord de la guerre civile alors qu’une dictature très sévère règne au Turkménistan, dont une partie du territoire est menacée par la famine.

Le Kirghizstan a lui vu un attentat visé l’ambassade de Chine en 2013, mettant un sérieux coup de frein aux relations entre les deux pays. La Chine serait enfin tentée de combler le vide laissé par les forces américaines et de l’OTAN en Afghanistan mais la peur de s’enfoncer dans un interminable bourbier est également présente. Réussir à passer outre les composantes politiques de ces pays, et même les résoudre pour ce qui est de la lutte contre les divers groupes terroristes islamistes dans la région, sera une condition sine qua non du succès du projet dans la région. Mais cela ne freinera en aucun cas l’Empire du milieu dans ses ambitions.

Contributeur texte  : Benjamin Radeau, Sciences Po Rennes
Photo à la une : © photo : Évelyne Ollivier – photo light-Painting à Likeng – Chine
Introduction et Intégration et SEO : Évelyne Ollivier-Lorphelin
Veille : FCI
Rédacteur en chef pour le blog de FCI : Évelyne Ollivier-Lorphelin, vice-présidente de France Chine International
Directeur de la publication : Yannick Morin, Président de France Chine International

Sources

« La puissance chinoise » – 3 questions à Valérie Niquet par Pascal Boniface pour iris-france.org
Chine : mirages et fantasmes sur la nouvelle route de la soie par Philippe Rochot pour philipperochot.com
Nadège Rolland : «La « solution chinoise » plaît aux dirigeants qui n’aiment pas qu’on leur fasse la leçon» par Laurence Defrasnoux pour liberation.fr
Dossier Chine: Les nouvelles routes de la soie par Catherine Jean pour grandes-ecoles.studyrama.com 
La longue marche vers l’ouest par Martine Bulard pour monde-diplomatique.fr
La Chine trace les nouvelles routes de la soie par Grégory Fléchet pour lejournal.cnrs.fr
L’initiative « la Ceinture et la Route » n’est pas un outil géopolitique ni un plan d’aide sur french.xinhuanet.com 
Les «routes de la soie» passent par le Kazakhstan par Arthur Fouchère pour monde-diplomatique.com
China’s new silk route The long and winding road par Yeroen van der Leer et Joshua Lau pour PwC’s Growth Markets Centre.
Et maintenant, l’autoroute de la soie par Sébastien Falletti dans Le Point

 

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