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ZhengHe et l’Océan Indien, une figure emblématique pour la Chine

ZhengHe, dans le contexte historique de l’ Océan Indien
et du golfe persique – une vision éclairée et critique

Dossier
Rubrique : Éclairer le présent à la lumière de l’histoire

Aujourd’hui la Chine ne cesse de magnifier le rôle de l’amiral ZhengHe et de sa présence dans l’ Océan Indien et particulièrement de son passage dans le détroit d’Ormuz pour affirmer en douceur sa présence dans cette partie du monde. La Chine déploie son soft-power au travers de l’archéologie, ses chercheurs publient régulièrement à l’image du docteur Ran Zhang de l’Université de Durham en Grande-Bretagne. L’amiral ZhengHe est considéré comme le plus grand navigateur chinois de l’empire des Ming et de l’histoire maritime du début du XVe  siècle. L’ Océan Indien est, depuis la Haute Antiquité, un lieu de rencontres et de confrontations, entre des intérêts commerciaux et culturels, des incursions ou des migrations de peuples et des impérialismes. Il est aux carrefours d’immenses aires culturelles de l’Extrême-Orient, de l’Inde, de l’Arabie et de l’Afrique. Au XVIe siècle,  les Européens font irruption et colonisent les rivages de l’ Océan Indien. Aujourd’hui, les anciens colonisateurs occidentaux ont été remplacés par de nouveaux venus : la Chine, dont l’idéologie sert aussi de couverture à la reprise d’une poussée vers l’Océan qui peut paraître comme une résurgence des temps anciens. Cependant, devenu depuis lors une des régions les plus incertaines du globe, l’ Océan Indien est le lieu où se mêlent et se heurtent inextricablement les problèmes de « races », d’idéologies, d’intérêts économiques et stratégiques. À côté de géants réveillés se dressent kyrielles de nouveaux États. Rien n’est moins simple !  Connaître le contexte historique frappe d’inexactitude les axes simplificateurs  — idéologiques (opposition Orient-Occident), politiques ou stratégiques —  dans lesquelles il est sage de ne pas se laisser enfermer.

Pour le mémoire de M. d’Anville sur la mer Erythrée / Guill? Delahaye -Auteur : Anville, Jean-Baptiste Bourguignon d’ (1697-1782). Cartographe – Auteur : Delahaye, Guillaume-Nicolas (1727-1802). Graveur – source© BnF

Quelques extraits de l’article de Sciences et Avenir  rédigé par Bernadette Arnaud – « Quand les flottes de l’amiral chinois Zheng He traversaient le détroit d’Ormuz »

ZhengHe le plus grand navigateur chinois de l’empire des Ming au XVe siècle a bien franchi la porte d’entrée du Golfe Persique avec sa puissante flotte. Un exploit de plus pour ce marin aux expéditions légendaires ! Les travaux de ces chercheurs sont présentés dans Sciences et Avenir :

ZhengHe, amiral chinois, navigateur, eunuque et musulman.

Les chercheurs avaient déjà suivi à la trace quelques-unes des fascinantes expéditions de l’amiral ZhengHe. Bien avant les Portugais Vasco de Gama ou Magellan (1434), ce grand eunuque musulman sillonnait dès 1405 les mers de l’Asie du Sud-est (Java, Sumatra) à l’ Océan Indien (Sri Lanka), la mer Rouge (Égypte) et les côtes de l’Afrique (Mozambique). Avant que ces pérégrinations ne soient brusquement stoppées en 1433 – date de sa mort – lorsque la Chine décida brusquement de se fermer au monde.

«Grâce à l’archéologie nous avons pu identifier des passages de ZhengHe dans le Golfe Persique»

Les chercheurs sont désormais en mesure de rajouter avec certitude un nouveau chapitre à cette grande épopée, celui de sa présence à Ormuz ! «Grâce à l’archéologie nous avons pu identifier des passages de Zheng He dans le golfe Persique», explique en effet Ran Zhang, archéologue à l’université de Durham (Grande-Bretagne). Le jeune chercheur et son collègue Lin Meicun, du département d’archéologie de l’université de Pékin (Chine) ont en effet pu retrouver et analyser des vestiges de céramiques impériales, traces du passage des flottes Ming menées par l’amiral Zheng He.

Les bateaux trésor 宝船 « bǎochuán » de ZhengHe (郑和 Zhèng Hé) (1371-1433)

C’est à la demande de l’empereur Yong Le que le navigateur chinois a lancé à plusieurs reprises ses imposantes jonques à la découverte du monde. À en croire l’Histoire dynastique des Ming, ces « bateaux-trésors » (bǎochuán) mesurait 138 m de long sur 56 m de large… interprétation que les experts ont aujourd’hui ramenée aux dimensions plus raisonnables de 50-60 m (rappelons que les caravelles de Christophe Colomb atteignaient à peine 30 m). Des moines bouddhistes et des religieux musulmans participaient à ces voyages uniquement faits à la gloire de l’Empereur puisqu’il ne s’agissait pas d’expéditions conquérantes contrairement à celles qui furent lancées par l’Europe.

Ormuz

« Nous savions que ZhengHe avait pu atteindre le détroit d’Ormuz et qu’il y avait eu des échanges sur place, poursuit l’archéologue Ran Zhang. Ceux-ci sont en effet décrits dès 1413 dans un récit de Tarikh-i Ja’far. On peut y lire qu’en échange de la soie, des céramiques et des porcelaines impériales, les marins chinois achetaient de grandes quantités de perles et d’objets précieux« . Mais aucune preuve concrète n’avait encore pu être rapportée. « Ormuz était considéré comme un centre du commerce mondial« , poursuit Ran Zhang. On pouvait y croiser des commerçants venus d’Egypte, de Syrie, d’Azerbaïdjan, du Khorasan, du Turkestan, de Chine, de Java, du Tenasserim, du Bengale, de Malabar, de Zanzibar, d’Abyssinie, d’Aden ou encore de Djeddah… Autant d’échanges commerciaux qui contribuèrent à l’essor économique du Golfe. Dans le détroit, deux îles pouvaient cependant prétendre avoir accueilli les navires de ZhengHe. L’imposante Qeshm – qui avait la faveur des historiens – et, face au continent, la petite Hū   sī, 忽鲁谟斯 (Ormuz 霍尔木兹 en Chinois).

Porcelaine et céladon

Les deux archéologues ont donc analysé l’ensemble des collections de céramiques issues des fouilles archéologiques réalisées sur ces îles en 2006  » pour tenter de déterminer laquelle était la véritable Ormuz de Zheng He », précise Ran Zhang. Au fil des ans, Qeshm livra des vestiges allant des Parthes (3e av.J.C- 3e ap. JC) aux périodes islamiques, sans trace de la moindre présence chinoise. En revanche, les recherches se sont avérées beaucoup plus fructueuses sur la petite Hū   sī – 忽鲁谟斯 –  puisqu’on y a retrouvé des porcelaines bleues et blanches, des grès de Qīng bái -青白 et des céladons – porcelaine à glaçure vert-pâle – de Lóng quán – 龙泉 –   datés du 14e-15e siècles. « Ces porcelaines bleues et blanches proviennent des fours chinois de Jǐng dé zhèn -景德镇 – , dans la province du Jiāng xī -江西 -. Là où étaient fabriquées en grandes quantités les productions impériales. Les céladons -青瓷 -, eux, sont sortis des fours de « Fengdongyuan« , poursuit le spécialiste. Des tessons de porcelaine bleue et blanche ont également été retrouvés à Julfar, aux Émirats Arabes Unis (EAU).

 

Partie I –
L’ Océan Indien avec le Golfe Persique et la Mer Érythrée, lieux de rencontre
et de confrontation entre intérêts commerciaux et culturels

Dans l’antiquité, les navigateurs grecs et phéniciens, chinois et arabes

Le monde ancien des Grecs, des Phéniciens, des chinois et arabes connaît la partie septentrionale de l’ Océan Indien, particulièrement les environs de la péninsule arabique et de la corne de l’Afrique, la mer Érythrée et le golfe gangétique. La région au sud de Ceylan, dont l’existence est soupçonnée par les hommes de l’Antiquité, est restée à peu près inexplorée jusqu’au début du XVIe siècle, mis à part quelques incursions arabes ou chinoises vers la fin du premier millénaire de l’ère chrétienne.

Dès l’antiquité, à la recherche de nouveaux débouchés commerciaux, les Égyptiens parcourent déjà la Mer Rouge et le Golfe D’Aden. Les Phéniciens explorent les côtes de la Méditerranée, fondent un comptoir à Gadès (Cadix) vers 1200 avant J.-C., et, de là, se rendent jusqu’aux îles Britanniques. Hannon le Carthaginois, en 465, visite la côte de l’Afrique occidentale jusqu’à l’île de Fernando Poo, dans le Golfe de Guinée. Alexandre le Grand, roi de Macédoine, atteint le golfe d’Oman, les rives de l’Indus et les déserts de l’Asie centrale et réussit pratiquement à contrôler la route du commerce de la soie. Les romains avec Néron envoient deux centurions jusqu’au Bahr el-Ghazal à la recherche des sources du Nil.

Monnaie de Mésopotamie. Démétrios I Sôter : Tétradrachme source© BnF

Les « géographes » de l’Antiquité, comme Hérodote (né en 484 av. J.-C.), Ératosthène qui montre, comme Aristote, que celle-ci est sphérique, Hipparque de Nicée (seconde moitié du IIe s. av. J.-C.) qui pose le principe des longitudes, Poseidonios d’Apamée (IIe s. av. J.-C) qui étudie le phénomène de la marée et des volcans, Claude Ptolémée (IIe siècle apr. J.-C.) qui fait une synthèse de tous les travaux antérieurs… nous laissent des descriptions de ces découvertes. Au Ier siècle apr. J.-C., dans sa Géographie, Strabon, décrit le monde, des tropiques au 54e degré de latitude nord et de l’Atlantique à la Chine. Le traité, Syntaxis, de Ptolémée est traduit en arabe sous le titre d’Almageste. Il aurait contenu des cartes faites au Ve siècle par Agathodémon et établies, selon ses données, en projection conique avec le méridien des Canaries – les îles Fortunées – comme méridien d’origine. Ce traité fait loi dans le monde entier jusqu’à Copernic. Les cartes des éditions imprimées sont réalisées au XVe siècle. Elles répandent alors l’idée qu’en faisant voile vers l’ouest des côtes d’Europe, on atteint facilement l’Asie.

Mappemonde en forme de manteau où l’on représente en abrégé les terres connues du temps de Ptolémée… / Dressé par P. Bertius, … – Titre : 21p.b.lat.Pinax Ptolemaicus Chlamydoeides continens contractam ex ipsius mente orbis tunc cogniti descriptionem delineatus / a P. Bertio, … – Auteur : Bertius, Pierre (1565-1629). Cartographe – Auteur : Ptolémée, Claude (0100?-0170?). Auteur adapté – Éditeur : chez le Sr. Moullart-Sanson (Paris) – Date d’édition : 1700-1730 – source BnF

L’Iran Sassanide du Ier au VIe siècles,  relais du commerce Chine-Byzance

Après avoir refoulé d’Arabie les marchands d’Axoum, maîtres des échanges avec l’Inde, les Sassanides dominant l’Iran au Ier siècle apr. J.-C., régissent tout le commerce de la mer Érythrée. Ils axent ainsi l’importance économique et stratégique vers la région située entre le Golfe Persique et l’Iran. L’Iran sassanide sert alors de relais au commerce Chine-Byzance essentiellement par voie de terre, mais il est probable qu’à cette époque les liaisons avec le Golfe Persique par voie de mer existent également. Avec l’Inde les relations sont suivies et de grande ampleur : avec le commerce du poivre de Malabar elles sont économiques mais aussi artistiques — les Sassanides influencent la renaissance indienne des Guptas (IVe-VIe siècle) —. Ces relations sont enfin religieuses, car le manichéisme marque fortement le bouddhisme indien. Il se dissémine au Turkestan et jusqu’en Chine, et pénètre simultanément dans l’Occident méditerranéen. L’Iran sassanide devient dans le même temps un refuge pour le christianisme nestorien, que le concile général d’Éphèse condamne au Ve siècle. L’Église nestorienne, bénéficiaire du rayonnement commercial de l’Iran, est solidement implantée dans divers pays d’Asie quand y arrivent les Portugais.

L’Inde des Dravidiens, royaumes maritimes colonisateurs du VIIau XVIe siècles
et ses entreprises missionnaires bouddhistes en Chine

Les siècles entre le VIIe et le XVIe siècle, voient le développement et l’épanouissement de l’Inde comme colonisateur. Longtemps, du Ier au VIe siècle, l’Inde reste à l’écart, ancrée principalement dans le Golfe du Bengale. Elle est un foyer de rayonnement extérieur plutôt qu’un centre d’accueil pour les nombreux peuples en quête des biens variés dont l’Inde autonome dispose largement. Les Dravidiens, à partir du VIIe siècle, fondent des royaumes maritimes – particulièrement le royaume des Cholas -, qui dominent commercialement la côte de Coromandel et le Golfe du Bengale. Ces centres riches en épices, en pierres précieuses et en mousselines, permettent de nouer des relations commerciales avec l’Insulinde. Au-delà des intérêts commerciaux, les « missions » du clergé indien, avec pour objectifs de créer des États hindouisés en Indonésie, en Malaisie, en Birmanie, en Indochine, sont déterminantes. Sollicités par les élites locales, les brahmanes sont par exemple à l’origine des temples d’Angkor au Cambodge et de Borobudur à Java, parfaites combinaisons des génies artistiques indiens et locaux. Le rayonnement des Cholas, – qui avaient porté en Birmanie puis à la péninsule indochinoise le bouddhisme cinghalais à partir du XIe siècle, décline en même temps que se produit la décadence de la civilisation d’Angkor. À cette époque, l’Insulinde n’est pas le seul objectif de ces peuples maritimes indiens : simultanément, ils nouent des relations avec la Chine, mais ce sont principalement des relations axées sur le développement des entreprises missionnaires bouddhistes. Du côté des côtes d’Afrique Orientale, l’implantation de populations originaires de la côte de Malabar semble probable. Elles auraient atteint l’Afrique grâce à des bateaux construits sur la côte du Gujerat, les « kotias », adaptés à la mousson. Au cours de cette grande époque maritime organisée et administrée – l’apogée se situe pendant la période mongole, après la mort d’Akbar (1605) -, sont mis au point certains perfectionnements nautiques, dont la voile aurique, demeurée rectangulaire en Extrême-Orient mais transformée par les Arabes en voile triangulaire dite voile « latine ». Ces perfectionnements furent adoptés d’un côté dans la péninsule malaise, en Indonésie, au Siam, en Indochine et en Chine ; et de l’autre dans la mer Érythrée.

Carte du Golfe de Bengale, mer des Indes et rivière du Gange, avec les païs et îles d’alentour, savoir les côtes de Malabar, Cormandel, Ile de Ceylon, les Maldives, les Roiaumes de Visiapour, Golconda, Guzaratte, etc… Auteur : Van Der Aa, Pieter (1659?-1733). Éditeur : chez Pierre vander Aa (A Leide) Date d’édition : 1714 – © – BnF.

Les expéditions militaires chinoises du Ier au XVe siècles

Dès le Ier siècle, les Chinois s’intéressent aussi à l’ Océan Indien. À partir de cette époque, les voyages des jonques chinoises sur la côte de Coromandel répondent aux visites des Indiens en Chine. Les pèlerins bouddhiques chinois viennent nombreux en Inde, par mer. Les Chinois, dans un premier temps hostiles aux relations commerciales avec le monde extérieur (massacre des négociants étrangers à Canton au IXe s.), sous la dynastie des Song, reprennent leurs relations commerciales avec l’extérieur. Cette époque voit naître l’essor des ports chinois comme ceux de Canton, de Zangzhou et Hangzhou, avec ses corollaires, le développement de l’administration impériale, la mise au point de perfectionnements nautiques et l’invention de la boussole.

Aux XIIe et XIIIe siècles, sous Kubla Khan, agresseur malheureux du Japon, de l’Annam et de Java, la recrudescence des activités navales et militaires de la Chine, contribua à un essor considérable du commerce chinois dans l’ Océan Indien. Au XIIIe siècle les bateaux arabes et leur trafic sont ainsi supplantés par les jonques chinoises qui quadrillent régulièrement l’ Océan Indien. La Chine, au début de la dynastie des Ming, entre 1405 et 1431, envoie vers les pays réputés tributaires de l’Empire sept expéditions de prestige qui soumettent de façon éphémère Ceylan, Calicut et même (pour la première fois au-delà de l’Inde) Ormuz dans le Golfe Persique, Aden en Arabie, et Mogadiscio en Afrique Orientale. Ces expéditions militaires ne sont toutefois pas suivies par le commerce ou l’implantation culturelle et restent sans lendemain.

Pour des raisons énigmatiques parfois attribuées à la philosophie confucéenne, mais plus pragmatiquement et probablement dues aux coûts de la guerre que mène la Chine au Nord de ses frontières, la marine chinoise quitte brusquement et définitivement l’ Océan Indien. Contrairement à la pénétration indienne axée sur la religion et le commerce, la pénétration chinoise semble avoir eu avant tout des buts militaires, annexionnistes et assimilateurs, qui n’ont eu de succès qu’au Tonkin, militairement conquis et durablement mis en tutelle. La xénophobie de la Chine des Ming à l’égard de leurs voisins « barbares » de l’ Océan Indien sera vengée plus tard par les Européens. Les techniques chinoises, apportées au nom d’impératifs militaires ou de monopoles d’État, en dépit de leur perfectionnement, ne se diffusent que très peu chez les peuples vassalisés : ni la prodigieuse jonque avec sa voile lattée, supérieure à toute autre, ni l’organisation commerciale chinoise (banque, papier-monnaie, lettres de change) ne parviennent à supplanter les instruments du commerce traditionnel et de la vie maritime de l’ Océan Indien, tels que les ont depuis le VIIe siècle organisés les Arabes.

Les Arabes, jusqu’en Chine et à Madagascar du VIe au XIXe siècle

Hommes du désert, ces cavaliers conquérants des empires de Byzance et des Sassanides, de l’Égypte et de l’Inde se sont intéressés aux rivages tombés sous leur influence. Avec le transfert du siège du califat à Bagdad, on assiste à l’essor de Bassorah, du Golfe Persique et des régions voisines (côte méridionale de l’Arabie, Oman et Mascate). À la conquête du Golfe Persique, s’ajoute l’occupation de l’Égypte et des pays de la Mer Rouge. Ces deux occupations combinées confèrent à cette région l’unité politique, culturelle et désormais religieuse. Concomitamment avec les conquêtes militaires terrestres vers l’Inde, les navigateurs arabes atteignent et fondent d’importants comptoirs sur la côte de Malabar, à Serendib (Ceylan), aux îles Laquedives et Maldives. D’innombrables guides de voyages et de navigation écrits par les géographes et marins arabes attestent aujourd’hui des périples et établissements arabes, jusqu’à Canton qui devient un emporium musulman, et en Indonésie. En rébellion, les Chinois tentent d’anéantir cette véritable colonie arabe par le massacre de 878.

 La côte d’Afrique Orientale, Les Comores et la côte ouest de Madagascar sont colonisés par les Arabes, suite aux persécutions politiques et religieuses qui poussent des « Chiraziens », puis des Arabes Omanis à s’installer sur la côte des « Zenjs » ou des « Noirs », — Monbasa, Zanzibar —, jusqu’à Sofala, bien connue des navigateurs sémites pré-islamiques. Les navigations arabes dans l’antique Mer Érythrée – devenue véritable « mare Arabicum » marquent encore aujourd’hui, dans le triangle Djibouti-Colombo-Zanzibar-Comores, les embarcations traditionnelles avec les boutres à voile latine et à mâts inclinés, adaptés à la mousson. Ces bateaux relient encore de façon saisonnière les ports du Pakistan, de l’Oman, de l’Hadramaout, du Yémen aux ports africains orientaux. L’islamisation est totale de Mogadiscio, à Mombasa et Moroni (Grande Comore), sur tous les rivages depuis Karachi jusqu’au Mozambique. L’influence des marchands arabes se fait sentir sur tous les pourtours de l’ Océan Indien, sauf sur l’Inde péninsulaire et à Ceylan, opposées à l’islamisation. Le dinar est, dès le Xe siècle, la monnaie courante et des plantes tropicales — le café, le riz, la canne à sucre—, des inventions chinoises — la poudre, le papier, la boussole, la selle et les étriers —, sont diffusées dans l’ Océan Indien. Les Arabes inaugurent le phénomène de la traite d’innombrables esclaves, principalement issus de la côte orientale d’Afrique et qui se répand dans tous les pays de l’Océan Indien, et même jusqu’en Chine. Ce commerce prospère dans l’Océan Indien jusqu’à la fin du XIXe siècle. 

Les régions situées au sud de la « Mare Arabicum » sont mal connues, voire légendaires à cette époque. L’Afrique du Sud-est est principalement peuplée de Bushmen et Hottentots du Cap originels. Après avoir été reconnues par les navigateurs arabes, les îles Mascareignes, restent non peuplées jusqu’au XVIIIe siècle, jusqu’à l’installation des Français. L’histoire ancienne de Madagascar, est par contre difficile à établir, et demeure hypothétique. Diverses organisations politiques, sociales et culturelles sont issues des coexistences et des mélanges de populations qui se sont partagé la Grande Île. Elles ont été influencées par les Arabes, les Français — colonie de Fort-Dauphin et de Sainte-Marie, XVIIe-XVIIIe — avant que les rois de l’Imerina ne réalisent l’unification politique du plateau central à la fin du XVIIIe siècle.

Fortifications ; Sujet : Ormuz, Île d’ — Villes — Vues cavalières – Sujet : Navires à voiles – source© BnF

Un objectif : contourner la barrière musulmane aux XVe et XVIe siècles

La conquête musulmane, en dépit des Croisades, repousse dans la Méditerranée occidentale les Européens. Le trafic avec l’Orient passe désormais par des intermédiaires musulmans ou byzantins.

Les missions, envoyées par le pape à partir du XIIe siècle, ramènent d’Asie centrale d’importants renseignements sur les Mongols ; Marco Polo (1254-1324), d’une famille de marchands vénitiens, raconte ses périples dans son livre « Livre des merveilles » publié en français. Le livre se divise en trois parties : un itinéraire continental de la Méditerranée à la Chine du Nord, en passant par la Perse et l’Asie centrale ; un récit de la Chine avec le récit de deux voyages, l’un de Cambaluc (Pékin) vers le Yunnan, l’autre de Cambaluc vers Kinsay (Hangzhou) ; un voyage maritime qui le ramène en Perse en longeant l’Indochine et l’Inde. Marco Polo est même devenu ambassadeur de l’Empereur de Chine dans les pays de l’ Océan Indien oriental. Venise, au début du XVe siècle, l’emporte sur Gênes, la grande ville marchande – «Genuensis, ergo mercator» – «Génois, donc marchand» – , mais perd l’accès à l’océan oriental après la prise de Constantinople, la conquête de la Syrie et de l’Égypte par les Turcs. Elle n’a plus les capacités de s’attaquer à ce qui aurait pu la sauver : le re-creusement du canal ensablé que les pharaons avaient fait percer à travers l’isthme de Suez.

Quelques extraits du livre de Marco Polo, Le Livre des merveilles ; manuscrit ; Langue : Français – © BnF

 Au XVIe siècle, les Européens font irruption et découvrent un monde autonome, un pays de légendes et des produits rares et précieux dont l’origine et les modalités de cheminements leur restent obscurs.

Deux grands événements vont changer le cours de l’histoire : la conquête arabe qui donne lieu, en Orient, à un immense brassage de populations sur deux continents, qui rend désormais difficile pour les Occidentaux l’accès à l’Orient, et la découverte de la route du Cap de Bonne-Espérance qui ouvre des voies commerciales sans précédent dans les annales commerciales mondiales.

Dans la partie II à paraître prochainement, nous aborderons les grandes découvertes et la conclusion sur l’approche chinoise de sa présence sur les mers : « nous aussi nous sommes les explorateurs du monde ». 

Contributeur texte  : Évelyne Ollivier
Cartographie : cartes anciennes de la Bibliothèque Nationale de France, Droits :  domaine public, usage non commercial
Rédacteur en chef pour le blog de FCI : Évelyne Ollivier
Directeur de la publication : Yannick Morin, Président de France Chine International

Sources

1 Voir l’article Quand les flottes de l’amiral chinois Zheng He traversaient le détroit d’Ormuz, Bernadette Arnaud, Sciences et Avenir, 19/04/2015

CartographieBnF ou Bibliothèque nationale de France
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