La Bretagne pourrait réactiver une diplomatie d’influence, à l’image des mathématiciens du Roy
Aujourd’hui, comment la Bretagne peut-elle réactiver une diplomatie d’influence ?
Dans le cadre de nos échanges avec les différentes associations, l’Association des Cadres Bretons, nous a sollicités pour répondre à trois grandes questions qui intéressent l’avenir de la Bretagne. L’une d’entre-elle pose la question suivante : « Si ce furent d’abord les échanges commerciaux, qui ont développé des relations entre l’Europe et la Chine ; ce furent aussi les relations intellectuelles, et par exemple celle des célèbres six missionnaires «mathématiciens» du roi Louis XIV, qui partirent de Bretagne en 1685 et qui ont inauguré un véritable commerce des lumières. Comment la Bretagne pourrait-elle réactiver cette diplomatie d’influence ? »
Dans le précédent article sur les mathématiciens du Roy nous avons fait la lumière sur une histoire quelque peu oubliée de notre passé qui a été un modèle de rencontre entre la France et la Chine. Le deuxième article rédigé par Benoît Morin apporte notre point de vue sur la diplomatie d’influence au XXIe siècle entre la Bretagne et la Chine. Ces articles seront recueillis dans un livre blanc collectif intitulé « l’Hermine et le Lotus ».
Résumé de l’article sur les mathématiciens du Roy par Évelyne Ollivier-Lorphelin
Au XVIIe, six pères jésuites français partent pour la Chine, sous l’égide de l’Académie des Sciences et du mécénat royal de Louis XIV. Ils sont porteurs d’un savoir récent, d’un niveau scientifique élevé et d’un matériel de précision. Colbert veut posséder des cartes exactes, facilitant la navigation et le commerce vers l’Extrême-Orient et se positionner par les sciences auprès de l’empereur chinois Kang Xi. Pour les jésuites missionnaires l’intérêt de la mission d’évangélisation se superpose à l’intérêt des sciences. Ils appliquent 4 principes, adaptation à la culture chinoise, évangélisation par les élites chinoises, utilisation de la science comme facteurs de séduction et ouverture aux valeurs chinoises et à la tolérance. Une querelle « des rites » dirigée par Rome contre les jésuites mettra fin à plus d’un siècle d’intégration et de reconnaissance en Chine. Leurs écrits et traductions, passeurs de savoir entre l’Occident et l’Orient, vont contribuer, à nourrir la réflexion des philosophes des lumières…
Quelle stratégie de diplomatie d’influence
adopter dans un monde moderne ?
Une des réponses apportées par l’association France Chine International : celle de Benoît Morin publiée dans le Livre blanc de l’ACB
Dans le cadre de la diplomatie d’influence, nous nous basons sur le concept «des piliers d’influence», à savoir :
Le principe d’autorité, nous ramène naturellement à une approche du pouvoir en place, qu’il soit politique, économique, culturel et spirituel. Le plus important pour conclure des affaires entre les chinois et les Français est d’avoir les mêmes niveaux d’interlocuteurs.
Le principe de pression sociale permet de déduire les intérêts des populations chinoises. Les chinois sont dans un principe de mimétisme des catégories sociales supérieures. Il est important de comprendre les mouvements et la direction de la pression sociale pour maximiser le résultat des actions menées pour faire rayonner la culture française parmi le peuple Chinois.
Le principe de réciprocité se concentre sur la nature de nos relations avec nos partenaires chinois. Trop souvent, les échanges commerciaux ou politiques sont de nature gagnant-perdant. Ils induisent un sentiment de défiance vis-à-vis des Occidentaux. Il est essentiel de se positionner dans un principe gagnant-gagnant et pas uniquement sur un plan strictement contractuel, mais aussi empathique.
Le principe de rareté est largement compréhensible. Il s’agit de proposer des solutions uniques et considérer ses interlocuteurs comme importants. Le principe de la sympathie est de l’ordre de la bienveillance. Il faut que toute relation avec la Chine soit sous cet axe. Ce qui aujourd’hui n’est pas toujours le cas, nous sommes plus dans des considérations mercantiles ou politiques.
Mais le principe le plus important c’est la cohérence. Nous faisons ce que nous disons. Malheureusement la plupart des actions entamées restent lettres mortes du fait de démotivation de l’une ou l’autre des parties. Souvent du fait d’incompréhension culturelle.
Chaque partie, – les politiques, les entités économiques, la société civile – ne peut y arriver à elle seule.
Il faut des actions transversales, regroupées et permettant d’avoir des retombées à court ou moyen terme.
Diplomatie d’influence : les actions à prévoir
Commençons par utiliser les réseaux (Guanxi en chinois) que nous avons et démarrons des relations bienveillantes avec notre partenaire Chinois. Une multitude d’actions est envisageable dans les domaines sportifs, culturels et économiques.
Nous avons en France des champions dans l’IT, les biotechnologies, l’énergie, la robotique, les nouveaux modèles agricoles, l’économie et l’environnement. Justement ce sont les besoins de la Chine.
Cela ne sera pas nos grands groupes qui pourront nous aider à avoir une influence en Chine mais notre tissu de formidables PME, associations ou simples citoyens. Ce sont eux qui seront les plus souples, les plus transversaux pour permettre à la France de s’implanter durablement en Chine.
Les verrous socio-techniques sont moindres en Chine, il est possible de participer à la mutation de ce géant grâce à nos innovations qui mettront beaucoup plus de temps à se déployer en France.
En vue d’une diplomatie d’influence, il suffit pour certaines actions d’un coup de pouce des politiques pour faire un effet de levier significatif et arriver à des retours concrets et rapides en France et pour les régions.
Contributeur : Benoît Morin, en charge de la commission économique de France Chine International
Rédacteur en chef, intégration et SEO : Evelyne Ollivier-Lorphelin ; Illustration© : oeuvre photographique : Evelyne Ollivier, tout droit réservé.
Directeur de la publication : Yannick Morin, Président de France Chine International