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Hutongs: qu’allons-nous faire du vieux Pékin ?

Les « Hutongs » ou quartiers traditionnels
à maisons à cours carrées de Pékin ou l
es siheyuans

Par Kevin Viel* architecte, membre de la commission stratégie/aménagement/communication de France Chine International

Pékin, capitale de l’Empire du Milieu, joyau d’Histoire et d’Architecture, a subi depuis les dernières décennies des transformations monumentales. Les quartiers traditionnels de maisons à cours, dit « Hutongs » ont laissé place à de fastueux hôtels, ou transformés en véritables pèlerinages touristiques. En conséquence, des projets pilotes ont vu le jour dans les années 1980, pour proposer la sauvegarde du centre-ville et ses habitants locaux. Le Ju’er Hutong, l’un d’entre eux, conserve des caractéristiques de l’architecture traditionnelle, tout en élevant l’ensemble, pour le densifier et ainsi abaisser un peu le foncier et permettre à la population locale de rester. Bienvenue à Pékin, visite d’un projet à part entière …

Un projet pilote

Circulation axiale dans le Ju’er Hutong. photo© Kevin Viel – 2013

Pendant de nombreuses années, l’architecte-urbaniste Wu Liangyong, grand professeur à l’université Tsinghua a mené moult recherches sur les nouvelles formes urbaines, et plus particulièrement sur les logements à cours. Néanmoins, pour répondre à la problématique des siheyuans, il a voulu analyser à grande échelle et ne pas se contenter uniquement des maisons à cours pékinoises. Il a donc cherché tout d’abord, un modèle général, dont il a trouvé la clé : une ligne de circulation qui relie tous les blocs d’habitation à la rue selon un axe perpendiculaire à celle-ci. Cet espace est une galerie le long de laquelle s’articule un système de trois cours plantées. La hauteur de ce modèle est surélevée de 1 à 3 niveaux maximum selon un gabarit à redent pour ne pas trop contraster avec l’architecture traditionnelle environnante.

« L’aspect fonctionnel et économique du projet prend ainsi le dessus sur la forme, l’enveloppe charnelle. »

Dans le cas du Ju’er Hutong, à Pékin, en 1987, Wu Liangyong a adapté son modèle pour obtenir un résultat plus économique, et donc plus dense. Il change l’occupation du terrain en libérant formellement la cour et en diminuant la largeur des passages internes, ce qui éloigne de plus en plus cette proposition de l’idée de l’architecture traditionnelle chinoise. L’aspect fonctionnel et économique du projet prend ainsi le dessus sur la forme, l’enveloppe charnelle. Par exemple, pour définir la largeur de la cour, il est décidé d’imposer une règle de prospect, c’est-à-dire que la fenêtre du rez-de-chaussée doit pouvoir recevoir de l’ensoleillement au solstice d’hiver (c’est ainsi qu’est calculée la distance entre les deux façades internes).

La cour plantée. Photo© Kevin Viel –  2013

La taille des cours peut également varier selon le niveau d’intimité exigée. Dans ce projet, la notion de confort moderne et de lumière naturelle prennent ainsi une importance majeure. La hauteur des immeubles autour des cours varie également, ils sont plus hauts autour de la cour centrale et ont un accès en toit-terrasse. Néanmoins, comme l’a remarqué Wu Liangyong, la toiture en pente est un élément visuel fort dans l’architecture traditionnelle, et on ne peut se passer d’elle. Dans le Ju’er Hutong, c’est donc un élément décoratif, mais elle permet également des jeux de hauteurs, avec des aménagements sous combles pour gagner de l’espace.

Une toiture entre tradition et modernité. photo© Kevin Viel – 2013

Le véritable enjeu de cette nouvelle typologie urbaine est de changer le statut de la cour privée à la cour semi-privée, puisque à l’origine les siheyuans étaient conçuent pour une seule famille et que désormais, le programme exige du logement collectif pour gagner en densité. Il y a ainsi une véritable volonté de hiérarchiser les espaces du « privé », au « semi-privé », ensuite au « semi-public » et enfin au « public » : de l’intérieur de l’habitat à la rue. Cette idée de hierarchie est également valable pour les différents types de circulation au sein du Ju’er Hutong (automobiles, vélos, pietons). Enfin, Wu Lianyong a fait le choix de conserver les arbres existants, marquant ainsi la continuité avec l’existant et le contexte environnant du Hutong.

« L’espace a un statut propre et intime. »

Au final, ce modèle, bien que devenu très différent de la maison traditionnelle, applique le schéma typique à grande échelle, avec un mur d’enceinte caractérisé par le bâti mitoyen, et une succession de cours selon un, ou plusieurs axes précis et ordonnés. Cependant, il est important de remarquer que l’on peut toujours entrer ou sortir depuis chaque cour, mais que l’on ne peut pas les traverser pour en rejoindre d’autres. L’espace a donc un statut propre et intime. Enfin, pour clore notre petite visite pékinoise virtuelle, notons que cette opération immobilière au coeur d’un tissu urbain ancien fait partie d’un ensemble de projets pilotes lancés par la Chine dans ses grandes villes, dans les années 80. Le modèle, moins intéressant économiquement, que les tours de logements n’a pas été repris par la suite, bien que primé de nombreuses fois au niveau national et international.

Des escaliers sous la lumière. Photo Kevin Viel – 2013

 

Contributeur : Kevin Viel, architecte, projet d’étude : sauvegarde du patrimoine  : un projet architectural à Pékin
*Kévin VIEL est architecte, il a étudié à l’Université Technologique de Pékin (Beijing University of Technology, College of Architecture & Urban Planning) et s’intéresse depuis plusieurs années à l’Architecture et l’Urbanisme en Chine, à travers l’Histoire et le Patrimoine aussi bien que le développement contemporain des métropoles de l’Empire du Milieu.
Kevin Viel est membre de France Chine International et acteur de la commission stratégie/aménagement/communication à Paris. 
Photographies : Kevin Viel : photo à la une : « La démolition en attendant du neuf : triste sort des siheyuans, encore en 2013, à Pékin » et photos légendées intra-texte – photos 2013.
Rédacteur en chef et SEO : Évelyne Ollivier-Lorphelin, en charge de la commission stratégie/aménagement/communication de France Chine International
Directeur de la publication : Yannick Morin, Président de France Chine International

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